12 nov 08/ audience en cassation/justice pour jawad
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article paru dans le Monde : le 13/11/2008
Jurisprudence. Au cours des trente dernières années, le Conseil d'Etat a plusieurs fois reconnu la faute de l'Etat dans la mort de détenus. Dans la même période, sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme, la mise en cause de cette responsabilité a été rendue plus facile. La jurisprudence a remplacé la "faute d'une exceptionnelle gravité" par la "faute lourde", puis par la "faute simple" : l'administration peut être condamnée pour une série de négligences.
26 mai 1978. Arrêt Wachter. La faute lourde de l'Etat est reconnue pour un décès dans un incendie de cellule à la maison d'arrêt de Metz.
23 mai 2003. Arrêt Chabbah. Responsabilité de l'Etat pour une succession de fautes dans le suicide d'un détenu, à qui son mandat de dépôt n'avait pas été notifié, à la prison de Nanterre.
9 juillet 2007. Arrêt Delorme. Suicide d'un mineur placé en cellule individuelle sans accompagnement après sa condamnation, à Angoulême. Faute reconnue pour défaut de vigilance.
Selon elle, un "cumul de fautes" a empêché de sauver Jawad Zaouiya, mort asphyxié à l'âge de 19 ans, le 23 juillet 1996, dans l'incendie de la cellule qu'il occupait avec deux autres détenus à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy (Yvelines). Sans ces fautes, Jawad Zaouiya aurait eu des chances de survivre : "L'argumentation du ministre de la justice ne nous a pas convaincus", a conclu la commissaire du gouvernement.
Jawad Zaouiya avait été placé en détention provisoire à la suite d'incidents avec la police dans la cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie le 8 juillet 1996. En pleine nuit, l'un de ses codétenus, qui réclamait son transfert dans une autre cellule, avait mis le feu à son matelas. Le matériel de lutte contre l'incendie étant enfermé à clé dans un local, le surveillant de service ne disposait d'aucun moyen d'intervention rapide.
Le règlement prévoit que seuls les gradés peuvent ouvrir les portes des cellules la nuit. Il n'avait fallu que quelques minutes pour joindre le chef, prendre le matériel anti-incendie et accéder à la cellule. Mais il était trop tard. Jawad Zaouiya et l'auteur de l'incendie étaient déjà morts, intoxiqués par les fumées dégagées par les housses du matelas.
ENCHAÎNEMENT DE FAUTES
Depuis douze ans, les parents de Jawad Zaouiya mènent une bataille pour établir les responsabilités de l'administration pénitentiaire. Les jeunes de moins de 21 ans doivent être placés seuls en cellule. La prison de Bois-d'Arcy avait dérogé - avec l'accord de l'intéressé, se défend-elle - à cette obligation. Les trois garçons partageaient ainsi 9 m2 "alors que Jawad Zaouiya n'aurait pas dû se trouver dans cette cellule", a souligné la commissaire du gouvernement.
Un enchaînement de fautes, chacune "démultipliant les effets des autres", est en cause, a-t-elle indiqué. L'embrasement des matelas aurait pu avoir des conséquences moins désastreuses si les cellules étaient équipées de dispositifs d'aération. Les prisons n'étant pas des "établissements ouverts au public", rien ne contraint l'administration à adopter une telle mesure. Celle-ci autorise pourtant l'utilisation de réchauds à l'intérieur des cellules. Selon Mme de Silva, l'Etat "a une mission de service public dans le fonctionnement pénitentiaire".
"La cour européenne de Strasbourg devient de plus en plus exigeante vis-à-vis de la responsabilité des Etats dans l'organisation de la vie pénitentiaire", a souligné Mme de Silva. Enfin, la commissaire du gouvernement a jugé "très faible" le montant de l'indemnité allouée aux parents Zaouiya. "Pour la perte d'une vie, cela devrait être mieux évalué", a-t-elle déclaré. Le Conseil d'Etat rendra sa décision dans une quinzaine de jours.
Yves Bordenave
article paru dans le Parisien: le 13/11:2008
La condamnation de l’Etat a été recommandée hier au Conseil d’Etat après la mort d’un jeune détenu dans l’incendie de sa cellule à Bois-d’Arcy (Yvelines) en 1996, conséquence d’un « cumul de fautes ». Le ministère de la Justice s’était pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat après avoir été condamné à verser 15 000 aux parents de Jawad Zaouiya.